Retour en arrière...

Publié le par Opale

Le revoilà.

Il s'était calmé depuis un peu plus d'un an mais il revient en force.

LE regret. Puissant, destructeur, angoissant.

Et oui, à nouveau je regrette de toutes mes forces d'avoir porté plainte.

Alors ces phrases dites en toute amitié et sympathie "Mais non ne regrette pas ! " "Mais non faut pas espérer un non-lieu, tu ne vas pas baisser les bras ! " 

Et pourtant si, oh que si je regrette. Et oh que oui j'espère un non-lieu.

Ca suffit. Plus de 3 ans ça suffit. J'étouffe depuis 3 ans dans les pages de mon dossier que la justice ouvre et referme à l'envie, m'écrasant dedans au passage.

Je n'en peux plus . J'ai porté plainte pour avoir une confrontation, je l'ai eue.

Puis j'ai évolué, et j'aurais préféré peut-être que cette évolution n'arrive pas puisque j'ai finalement souhaité un procès, souhaité qu'il soit puni.

J'ai oublié bien trop vite ce que je dis depuis toujours et qu'on ne croyait pas : il s'en fout, il est inatteignable, il ne craint pas d'aller en prison , il se fout de ce qu'il m'a fait, il se fout des conséquences que ça peut avoir dans sa propre vie.

Je le savais, tout comme je savais qu'en garde à vue il n'en aurait strictement rien à faire de sa situation et d'être auditionné par un flic .

Le savoir et le constater sont deux choses différentes.

La violence du constat a été inouïe une première fois lors de la confrontation, lorsque je l'ai vu tellement imbu de lui même, tellement indifférent à la situation de garde à vue. Lorqu'on entend son agresseur dire qu'il ne se souvient pas, reprendre le flic sur des conneries avec son air supérieur, répondre " oh tous les jours ça m'étonnerait je ne suis pas de nature gourmande à la base " , lorsqu'à la fin de la confrontation on l'entend ajouter que s'il se rappelle de quelque chose il contactera le flic, qu'il n'a qu'à lui donner ses coordonnées , je peux vous dire qu'on est KO. J'ai été sonnée par son indifférence.

Le 2ème round est arrivé il y a peu en apprenant qu'il ne cherchait pas à joindre son avocate et n'était pas joignable malgré le fait qu'il ait reçu comme moi son ordonnance de mise en accusation devant les assises.

Reprise du 2ème round. Nouveau KO... L'observer, l'imaginer, savoir qu'il continue sa vie comme si de rien n'était, se ballade, s'en fout.

Il se souvient sûrement bien sûr mais peu lui importe. Il a joué, il s'est amusé, le jouet c'était mon corps, le jouet a porté plainte et alors ? Il risque la prison et alors ? Peu importe.

Je n'en peux plus. Je réalise qu'il y a toujours en moi cette partie qui voudrait l'atteindre, qui voudrait le voir "humain" . Cela n'arrivera jamais, et un procès ne fera que me montrer encore pendant deux longues journées à quel point tout cela est bien loin pour lui, à quel point tout cela n'est qu'une partie de sa vie, 6 années de son quotidien où son activité favorite a été de poser ses mains sur mon corps et de me faire croire que j'en étais coupable.

Ces 6 années sont terminées, fin de l'histoire.

Il n'aura que faire d'un procès, d'une peine éventuelle, c'est une évidence quand on voit encore son absence totale d'intérêt pour son propre dossier et son avenir carcéral ou non.

Alors ça suffit. Je ne veux pas que la cour d'appel confirme les Assises. Je ne veux pas rester encore au moins deux ans avec cette épée de Damoclés au dessus de la tête.

Vous me direz que pendant deux ans je pourrai vivre, faire des choses, oui bien sûr, mais avec cette terreur en filigrane, cette attente d'une date, cette attente d'à nouveau le revoir, à nouveau le subir deux jours durant, à le voir s'en foutre, à l'entendre ironiser, à entendre son avocate tenter de me démonter et à entendre les experts mettre à nu ma vie et la sienne.

Je ne veux plus ça suffit.

Je ne veux plus et l'angoisse me dévore car je ne peux décider de rien. La machine est lancée, le rouleau-compresseur de la justice ne s'arrête jamais.

Je suis usée, fatiguée, terrifiée.

Je regrette oui, c'est bien trop dur de porter plainte et d'en assumer les suites, bien trop lourd, bien trop épuisant.

Non ce n'est pas baisser les bras que de souhaiter un non-lieu . C'est tenter de récupérer une vie, tenter d'admettre et d'accepter qu'il s'en fout et s'en foutra à tout jamais.

C'est tenter de se relever après avoir été mise KO . C'est tenter de ne pas oublier que si pour lui je n'étais qu'un jouet , je n'en suis pas un . C'est tenter d'apaiser la petite fille en moi qui aurait tant voulu être aimée de lui, mais pas ainsi. C'est tenter de le laisser vivre sa vie sans qu'elle ait d'incidence sur la mienne.

Je regrette oui, je n'en peux plus.

Je veux un non-lieu

 

Creative Commons License
Cette création est mise à disposition sous un contrat Creative Commons.

Publié dans émotions en vrac...

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
E
BoCour, je viens moi même de porter plainte contre mon cher père pour les mêmes raisons. Ce dépôt de plainte je le fais 15 ans après les faits, après une confrontation violente avec lui, chez lui où j ai pu le frapper, lui cracher dessus l insulter, ce jour là j'ai vomit tout le mal qu'il m'a fait à moi, à ma soeur, et à ma mère. Je n attend rien de la justice, je me suis fait justice. J ai trouvé le courage de l affronter (j étais bien entourée de mon chéri et de bon beau frère). Et ce jour là. Il a nié, il a dit qu'on mentait pas une ince de remord, rien pas une larme de voir ses filles endolories, ses enfants qui ne l ont jamais été . Il était le monstre qui l a toujours été, et c est mieux comme ça. Je ne crois pas que les regrets, aident à la reconstruction tu as été victime d un bourreau. Mais désormais c est ta vie, il ne peut plus te l enlever. Tu ne le subiras plus jamais. Je te souhaite de trouver une certaine paix et de réussir ton bonheur. Solidairement.
Répondre
E
Courage opale, la machine judiciaire a eu raison de toi, mais tu as fait ce qu'il fallait tu as parlé, tu l as accusé et c est ce qui compte. Aucune peine, aucune indemnité, aucune excuse ne pourra compenser ou justifier le mal qu'il t à fait. Toi tu le sais et même s'il ne l admet pas, il le sais aussi. Tu es arrivée à survivre avec ça, et maintenant tu te dois de vivre ! Ta revenche sur lui c est le bonheur que tu vas vivre.
O
Bravo à toi et merci..<br /> Moi j'ai pas qqn pour aller chez lui, d'ailleurs je risquerais pas de pouvoir y rentrer c + un foyer de sdf séparés en appart...<br /> Je ne m'imagine pas lui hurler dessus en face...je ne sais pas hurler d'ailleurs, que ce soit face à lui ou à qqn d'autre...<br /> La confrontation c'était chez les flics mais on peut à peine s'exprimer, et le voir si serein devant les flics, ne niant pas, disant juste qu'il se souvient pas, faisant de l'ironie...c compliqué.
A
Bonjour,<br /> Vous êtes sous le coup des émotions.<br /> Je me permets de vous signaler l'existence des réunions de &quot; survivants de l'inceste anonymes. Un ami proche avec un vécu similaire au votre : il va infiniment et apprend dit-il à vivre<br /> <br /> Avec mes pensées les meilleures,
Répondre
L
cette colère ne sera peut-être jamais apaisée complètement, quand bien même il ne s'en fouterait pas. Même s'ils sont moins présents, mes cauchemars reviennent de temps en temps et je me retrouve devant cette vérité aussi, presque 20 ans après. En moi, j'ai ce sentiment toujours intact, de sentir ce qui va arriver tout en ayant conscience que je ne peux rien faire pour m'en échapper. Y a t-il d'autre solution que de se diviser. Le corps est comme mort, acceptant ce qui arrive, l'esprit se fige dans une forme d'irréalité pour survivre. <br /> Je ne juge pas ce que tu ressens, la priorité c'est toi, ton bonheur et ton bien-être. On n'a jamais d'emprise sur les autres, ni toi sur lui, ni lui sur toi. Ne le laisse pas faire, ne le laisse pas diriger ta vie aujourd'hui. Procès ou non, continue de te battre non contre lui mais pour toi.
O
Merci, il n'y en a pas par ici mais pour avoir déjà essayé je ne supporte pas les groupes de paroles .