Voleur d'images

Publié le par Opale

Parfois en thérapie, soudain on réalise des choses qui pourtant semblent tomber sous le sens, mais qui d'un coup viennent nous déchirer le coeur et nous faire boire la tasse.

Tu es en train de reprendre tout ton pouvoir dans ma tête, depuis que je me rends compte que le jour de la confrontation, tu en sauras plus que tout le monde, peut-être même plus que moi.

J'aurai beau raconter en détails ce que tu m'as fait, comme j'ai pu le faire avec ma psy ou des bénévoles de Sos Inceste...ils n'en sauront jamais autant que toi. 

Toi tu étais là, bien sûr ça tombe sous le sens et pourtant ce n'est que maintenant que cet élément m'arrive violemment en plein visage...pour ne pas dire en pleine gueule.

Tu étais là et tu sais tout, tu sais aussi ce que je n'ai pas pu déclarer aux flics et ce jour-là tu sauras, tu auras tout en tête, tu auras peut-être même des souvenirs plus précis que moi, toi dont le traumatisme n'a pas altéré la mémoire.

Nous serons sûrement 6 dans cette pièce, deux flics, deux avocats , toi et moi...et quelque part va se rejouer le secret, tu sais tout ce qu'ils ne savent pas, il y a encore ce lien entre nous, lien dont je ne veux plus mais qui s'amplifie en ce moment.

 

Je me rends compte surtout que tu es à jamais un voleur d'images. Quoi que je fasse, quoi que je dise, tu auras à jamais en ta mémoire les images de mon corps. Tu as tout vu et tout retenu forcément.

Quand on ne subit pas d'abus sexuels, on choisit les personnes qui garderont notre corps en mémoire. Toi tu l'as en mémoire et je ne l'ai pas choisi.

Ca fait une semaine que je réalise ce qui pourrait paraître une évidence, et que j'en crève de cette idée que tu vas garder ça en tête. J'aimerais aller dans ton cerveau et t'arracher toutes ces images, te les reprendre pour mieux les piétiner et les éloigner définitivement.

Je ne veux plus de ce lien avec toi, je ne veux pas de cette intimité "partagée" même si elle a été partagée de force et que ma raison me dit que bien sûr c'est toi et toi seul qui as agi.

 

Mais tu te souviens, tu as ces images en mémoire et mon corps d'adolescente gravé dans ton cerveau, je trouve ça insupportablement violent.

On est deux dans ma tête en ce moment et c'est un de trop, il va falloir que tu t'en ailles, il va falloir que je réussisse à me débarasser de toi, de tes gestes et de tes mots, même si tu vas les conserver à jamais dans ta mémoire de sale pervers.

 

Je ne veux pas la prison pour toi, encore moins la peine de mort. Je veux juste qu'on te retire cette partie de ton cerveau qui contient ces images, qui m'enferme dans ta tête.

C'est impossible je le sais et pour l'instant ça me refait plonger dans ton emprise, dans ce pouvoir que tu as sur tout le monde, toi qui sais tout de chaque centimètre carré de ma peau, toi qui en sauras toujours plus que ceux à qui j'ai tout raconté.

 

Mon voleur d'images je rêve que tu crèves après cette confrontation, que plus jamais ton esprit ne puisse se souvenir et se réjouir de tout ce que tu m'as fait...

 

Je suis fatiguée, épuisée, mais ça ce n'est pas à toi que je le dirai, je ne veux pas craquer devant toi, je ne veux pas que tu aies le plaisir de voir comme tu as bousillé ma vie.

 

Voleur d'images je te hais...autant que je te crains.

 

 

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Publié dans Mon agresseur

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M
Je comprends tellement ce que vous écrivez là..<br /> Je suis de tout coeur avec vous. Et j'aimerais pouvoir faire ça aussi. Lui enlever tous ses souvenirs. Le souvenir du jour où elle m'a tout pris, puis ceux d'après, où c'est devenu une habitude<br /> pour elle. Bref...<br /> Je vous souhaite plein de courage et de forces.
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B
Bon... je vais pas te dire d'être courageuse. C'est très violent ce que tu écris, violent par sa vérité. Mais dis-toi une chose : il a des images, oui. Le souvenir de ta voix, la texture de ta<br /> peau... tout ça il l'a. Mais il n'a QUE ça. Toi, ta pensée, ta vie, le chemin parcouru, il ne l'a pas. Ta résilience, il ne l'aura pas non plus. Tu ne peux pas lui reprendre ses souvenirs, mais toi<br /> tu en as d'autres à créer, sans lui. Pour lui, ça s'arrête là. Pour toi, ça continue. Crée-toi tes propres souvenirs, sans lui. Tu avances seule sur ton chemin, tu décides où tu vas... Lui, il<br /> reste bloqué à un carrefour, loin derrière toi. Il a choisi la mauvaise route, il ne croisera plus la tienne. Je t'embrasse.
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O
<br /> <br /> merci..<br /> <br /> <br /> <br />
D
Je souffre avec toi. Je suis avec toi.
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O
<br /> <br /> merci ma Bullette<br /> <br /> <br /> <br />
T
Il n'aura jamais qu'une "image" comme tu dis, pas une sensation, un partage, un sentiment, comme ce que tu as pu partager avec d'autres, de ces moments présents où tu as "donné" de toi et où tu as<br /> "gagné" de l'autre... Juste une vision, comme on regarde une histoire à la télé et pas comme une histoire qu'on vit. Ça il ne l'aura jamais, ça n'appartient qu'à toi.
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O
<br /> <br /> J'espère penser cela un jour..<br /> <br /> <br /> <br />
M
Ouah.... j'espère qu'un jour toi seule gardera cette image....
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O
<br /> <br /> merci<br /> <br /> <br /> <br />